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18/01/2023

Mes grands-parents, hussards noirs de la République

Mes quatre grands-parents étaient dans l’éducation nationale : un instituteur (Eugène JOURAND), deux institutrices (Odette MAY et Simone RENARD) et un professeur de sport puis inspecteur académique (Robert MAUPETIT). Trois ont fait une École Normale :

  • Eugène JOURAND, l’E.N. de Savenay promo 1930 / 1933

  • Robert MAUPETIT, l’E.N. de Rouen promo 1930 / 1933

  • Simone RENARD, l’E.N. de Rouen promo 1933 / 1936

Seule ma grand-mère Odette MAY n’est pas passée par l’E.N., mais est devenue institutrice après l’obtention d’un diplôme supérieur des écoles supérieures de commerce.

Née de la révolution suite à l'abolition des congrégations religieuses qui se chargeaient de l'éducation des pauvres[1], l'École Normale devait former des instituteurs selon une norme nationale pour offrir à tous leur futurs élèves la même éducation et la même chance de réussir sur tout le territoire français [2]. Les premières écoles créées (Strasbourg et Paris en 1794) furent des échecs car l'enseignement étaient trop scientifique par rapport au niveau des élèves-maîtres [1]. Suite à la multiplication des ouverture d'E.N. qui dispensaient un enseignement différent d'une école à l'autre, la loi GUIZOT de 1833 centralisera leur organisation et déterlinera les matières à enseigner. Elle tente également d'oblige chaque département à se doter d’une École Normale de garçons. Aucune obligation n’est faite quant à l’ouverture d’une École Normale de filles et il s’en ouvrira malgré tout à partir de 1838. C'est avec les lois scolaires de Jules FERRY en 1879 que cette obligation sera faite. Sous l'influence de ces Républicains, les Écoles Normales deviennent une véritable institution laïque, les signes religieux en sont bannis et les élèves sont formés à leur unique mission : instruire la population française. A partir de 1905 et de la loi de séparation des Églises et de l’État, les instituteurs et institutrices deviendront ces véritables hussards noirs de la République.

École Normale d'instituteurs de Rouen vers 1910
École Normale d'institutrices de Rouen vers 1910
 

Les élèves souhaitant entrer à l’Ecole normale devaient [1] :

  • Avoir entre 16 et 18 ans le jour de la rentrée qui le 1 er octobre de chaque année.
  • Avoir le brevet élémentaire.
  • S’engager à servir l’Instruction publique pendant dix ans.
  • Fournir un certificat médical attestant qu’il ne souffre d’aucune contre-indication contre l’exercice du métier d’instituteur.
  • Réussir le concours d’admission qu’ils ne peuvent passer que deux fois.

Le concours d'entrée comportait à l'écrit des épreuves de dictée, style, écriture, calcul et à l'oral de travaux manuels, histoire et géographie, lecture et arithmétique, le tout couplé avec des notions de morale [2].

Concernant l'E.N. de Savenay, nous avons la chance d'avoir un témoignage de Pierre MAHÉ, camarade de promo d'Eugène (dont le prénom usuel était son deuxième prénom, Norbert) [3] : au concours d'entrée à Savenay, il y avait une centaine de candidats pour 27 places et les candidats étaient quasiment tous d'origine modeste (fils de cordonnier, menuisier, tailleur, etc.) 12 (dont Eugène) des 27 admis provenaient de l'école primaire supérieure de la rue de Bel-Air à Nantes !

Extraits du journal Ouest-Éclair des 27/07/1930 et 07/08/1930

Un trousseau contrôlé le jour de leur arrivée est demandé aux candidats reçus [2]. Il est constitué de vêtements génralement sombres, mais aussi de draps, couvertures, savons, produits de nettoyage et d'hygiène car les étudiants vont vivre en internat pendant 3 ans. Les élèves-maîtres n'nt pas une vie facile : la discipline est stricte, les horaires chargées et une nourriture chiche [2]. Pour Pierre Mahé, « au point de vue sportif, c'était formidable. On avait des terrains de tennis (on nous fournissait les raquettes et les balles), de foot, de basket, une salle de gymnastique avec de nombreux agrès. » [3] Côté sorties, les normaliens de Savenay allaient « chez la "mère casse-pipe", pour faire un billard, ou chez la mère Boucaud, pour "taper" une belotte. » [3]

Eugène Norbert Alexis JOURAND à l'École Normale de Savenay
(au centre en imperméable blanc et noeud papillon)

Mais tous n'ont pas un si bon souvenir ! Yves Cosson (1919-2012) se sent « enfermé, bouclé dans un superbe établissement, genre grande résidence en pleine campagne » pour trois ans, de 1935 à 1938, « d’internat rigoureux ». « J’ai détesté cet enfermement », même si « entre nous régnait une sorte d’esprit de famille dans une réelle complicité de potaches prolongés, car nous avions tous de seize à dix-neuf, vingt ans ». Et que des « profs de grande qualité nous faisaient aimer leur enseignement ». Pierre Mahé le confirme aussi : « à l’École Normale – l’E.N. comme on disait – on nous a appris à faire correctement et consciencieusement le difficile métier d’instituteur. On nous inculquait l’esprit laïque légèrement teinté, dans nos régions de l’ouest, d’anticléricalisme ». [4]

 
École Normale de Savenay
En 1868, Savenay perd son statut de sous-préfecture au profit de Saint-Nazaire. Elle est cependant choisie pour l’implantation, en 1872, de la nouvelle Ecole Normale d’Instituteurs. Les locaux seront inaugurés en 1912. Elle est occupée durant la première guerre mondiale et devient, en 1917, un hôpital américain très important. Puis, durant la seconde guerre mondiale, elle est investie par l’armée allemande. Après la guerre, elle redevient une école normale jusqu’au début des années 1980. Aujourd’hui, elle accueille un lycée dont l’entrée principale conserve le fronton de l’ancienne école normale. [5]

Au terme de ces trois années, l'élève passait un BS (Brevet Supérieur), équivalent au bac, en deux parties, une à 18 ans, la seconde à 19 et était titularisé pour devenir instituteur ou institutrice. Eugène est nommé en juillet 1935 (après son service militaire) à Saint-Malo-de-Guersac, directeur, comme l'indique cet extrait de L'Ouest-Éclair du 30/07/1935. On y apprend également que sa femme Odette, de Saint-Herblon y est nommée adjointe, avec le statut de stagiaire, n'ayant pas fait l'E.N. !

Extrait du journal L'Ouest-Éclair du 30/07/1935

[1] Laure Sapin. L’École normale de Douai durant l’entre-deux-guerres. Education. 2012. dumas-00755047
[2] La Revue Archives & Culture, n°21 mars-avril 2016
[3] Pierre Mahé. Mémoires de liberté : Raconte Pierre. A.R.E.M.O.R.S. 1994
[4] Jeunes communistes à l’École normale de Savenay dans les années 1930
[5] https://www.enpaysdelaloire.com/visites/autres-monuments-et-patrimoines/ancienne-ecole-normale

 

17/04/2018

Simone Renée Anne RENARD (sosa 7)

Simone RENARD
Simone RENARD, 1941 / 1942

Que dire de ma grand-mère que je n'ai jamais connu et dont on ne parlait quasiment pas ?
Elle est née le 2 juillet 1915 à Chouzé-sur-Loire, fille de Jean RENARD et de Perrine POTAY originaire de Locminé en Bretagne. Elle a connu à l'école de Chateau-du-Loire mon grand père qui était le fils d'un collègue et ami de son père.
Elle a fait l'école normale de Rouen et est devenu institutrice. Elle s'est mariée le 3 août 1933 à Montabon avec Robert MAUPETIT. Ils ont eu 3 filles, Josette, Marie France et Nicole. Mais Simone devait être malheureuse. Son mari autoritaire régentait la vie familiale, puis se fût le suicide de sa fille aînée qui s'est jetée sous un métro à Paris. Après des années de dépression, elle s'est jetée sous une train à La Verrière (78), le 2 février 1972.

Simone RENARD
Simone RENARD